Aujourd’hui, la contrefaçon s’est normalisée, notamment dans le secteur du luxe. Acheter une copie d’un sac Chanel ou d’une paire de sneakers Dior n’a jamais été aussi simple, et surtout, aussi socialement accepté.
La contrefaçon, un phénomène devenu trop commun
Aujourd’hui, la contrefaçon s’est normalisée, notamment dans le secteur du luxe. Acheter une copie d’un sac Chanel ou d’une paire de sneakers Dior n’a jamais été aussi simple, et surtout, aussi socialement accepté.
Si auparavant, posséder un faux était perçu comme honteux, aujourd’hui, l’achat de contrefaçon est souvent assumé, voire revendiqué comme un choix "intelligent". Il suffit de parcourir Instagram et TikTok pour tomber sur des influenceurs vantant les mérites de "dupes" et partageant des contacts pour se procurer des répliques de haute qualité. Sous prétexte de rendre la mode plus "inclusive" et "accessible", elles participent à une démocratisation de la contrefaçon, au point où celle-ci est désormais intégrée aux tendances.
Autre phénomène inquiétant : le "pingtis", un terme utilisé en Chine pour désigner la « haute » contrefaçon, revendiquée par les fabricants comme étant de qualité semblable, mais n’arborant pas les logos des grandes marques. Ces copies ultra-sophistiquées sont revendues comme des "alternatives raisonnables" au luxe. Elles séduisent une clientèle qui ne veut pas payer le prix fort mais qui refuse les copies bas de gamme.
Face à cette évolution, le marché du luxe vacille entre pertes financières, perte d’exclusivité et remise en question de son propre modèle.
Comment la contrefaçon s’est-elle normalisée ?
L’explosion des plateformes de vente en ligne et des réseaux sociaux
Il y a quelques années, pour acheter une contrefaçon, il fallait connaître quelqu’un qui "avait un contact". Aujourd’hui, les plateformes comme DHGate, AliExpress, WeChat ou même Instagram et WhatsApp permettent d’accéder en un clic à des contrefaçons d’excellente qualité.
Les vendeurs jouent avec les algorithmes en évitant les termes explicites et en utilisant des codes ou des emojis pour contourner la censure. Exemple : un sac "LV" sera décrit comme "sac marron monogramme célèbre", et les acheteurs intéressés pourront obtenir plus de détails en message privé.
Le rôle des influenceurs et de la culture "dupe"
Sur Instagram et TikTok, des influenceurs n’hésitent plus à faire des "hauls" de contrefaçons en expliquant où et comment se les procurer. Plutôt que de parler de "faux", elles préfèrent utiliser le terme de "dupes", qui sonne plus acceptable et moins frauduleux.
Le message sous-jacent ? "Pourquoi payer un sac 5 000 € alors que vous pouvez avoir la même chose pour 150 € ?" Une rhétorique qui séduit de nombreux consommateurs, surtout dans une période d’inflation où le luxe semble plus inaccessible que jamais.
Certaines vont encore plus loin en valorisant la pingtis culture, mettant en avant des copies de meilleure qualité, souvent fabriquées avec des matériaux semblables que les originaux et des finitions soignées. Seule différence, dans la pingtis culture, la marque et le logo de la marque ne figurent pas sur les produits. Ces contrefaçons haut de gamme brouillent la frontière entre vrai et faux.
Une tolérance sociale grandissante
Autrefois associé à la fraude et à l’illégalité, l’achat de contrefaçons est aujourd’hui perçu différemment. De plus en plus de consommateurs considèrent que les marques de luxe exagèrent leurs prix et ne voient aucun problème à acheter une version "alternative".
Derrière ce changement de mentalité, on retrouve plusieurs arguments récurrents :
"Les maisons de luxe abusent avec leurs marges"
"Le luxe n’est plus réservé aux élites, pourquoi ne pourrait-on pas en profiter nous aussi ?"
"Les stars et influenceuses reçoivent tout gratuitement, pourquoi devrais-je payer ?"
Exemple du célèbre Birkin de Hermès
Récemment, le géant américain Walmart a commercialisé un nouveau sac, baptisé le « Wirkin », affiché au prix de 78 dollars. Ce modèle présente une ressemblance frappante avec le Birkin de la maison Hermès, l'un des sacs les plus iconiques du luxe français. Bien que le Wirkin ne porte ni le logo ni le nom d'Hermès, sa conception évoque de manière évidente l'esthétique et le design du sac original.
💡 Alors saurez-vous déterminer quel est le vrai du faux ?
Pourquoi est-ce un vrai problème ?
Des pertes financières massives pour les marques
Le marché de la contrefaçon représente environ 500 milliards de dollars par an, soit 2,5 % du commerce mondial. Les maisons de luxe subissent de lourdes pertes, et au-delà des aspects financiers, c’est leur image et l’exclusivité de leurs produits qui sont en jeu.
Quand tout le monde peut porter un "Birkin", même en faux, le sac perd son statut de symbole d’élite et de rareté. Ce qui rend le luxe désirable, c’est aussi son inaccessibilité.
L’importance de la propriété intellectuelle pour protéger le luxe
Pour lutter contre ce fléau, les maisons de luxe s’appuient de plus en plus sur la propriété intellectuelle. Brevets, dépôt de marques, dépôt de dessins et modèles, etc. Tous ces outils permettent aux marques de défendre leurs créations face aux copies.
Certaines maisons, comme Hermès ou Louis Vuitton, n’hésitent plus à attaquer en justice les plateformes de contrefaçon et les revendeurs. La blockchain est aussi une nouvelle arme pour garantir l’authenticité des produits et rendre les contrefaçons plus facilement détectables.
💡 A gauche: le sac Walmart
💡A droite: Le Birkin de chez Hermès
La simple absence de marque suffit-elle à écarter toute violation des droits de propriété intellectuelle d’Hermès ?
La protection juridique ne se limite pas au nom ou au logo : un produit peut être protégé par des dessins et modèles déposés, voire par des droits d’auteur s'il présente une originalité particulière.
En s'inspirant aussi directement du Birkin, Walmart pourrait être accusé de parasitisme économique, profitant indûment de l’image de marque d’Hermès sans en supporter les coûts de création et de notoriété.
Plus généralement, dans le domaine de la maroquinerie, des brevets peuvent être déposés pour protéger par exemple une boucle de sac innovante. Une telle protection permettrait de protéger le sac à main spécifique mais également tout autre dispositif présentant une telle boucle brevetée.
Au-delà des considérations juridiques, cette appropriation du design pose un problème plus large pour l’image de marque et l’exclusivité du sac Birkin. En proposant une version bon marché, Walmart risque de banaliser l’esthétique du sac, réduisant ainsi sa valeur perçue et son attrait exclusif. L’un des fondements du luxe repose sur la rareté et l’exception, et voir une silhouette aussi reconnaissable à un prix aussi bas pourrait altérer la perception du Birkin comme un objet rare et prestigieux.
Ce type de situation illustre les tensions croissantes entre les maisons de luxe et les acteurs de la fast fashion, qui exploitent les codes du haut de gamme pour séduire une clientèle plus large. Hermès pourrait donc être tenté d’engager des actions en justice pour défendre ses droits et préserver l’aura unique de son produit iconique.
Conclusion
La contrefaçon est devenue un problème majeur pour l’industrie du luxe, accentué par les réseaux sociaux, le phénomène pingtis et l’essor des plateformes en ligne. Si les maisons de luxe veulent préserver leur prestige, elles doivent redoubler d’efforts pour protéger leur propriété intellectuelle, sensibiliser le public et exiger une régulation stricte des plateformes.
Mais au final, c’est aussi aux consommateurs de se poser la bonne question : posséder un faux luxe, est-ce vraiment du luxe ?








